D'ombre et de vertu elle se vêtit, fuyant sans le savoir le regard amoureux qui la déshabillait. Ou bien peut-être était-ce l'œil ovale de l'objectif qui la préservait de se mettre entièrement à nu ? Je ne saurais le dire mieux que Joë Bousquet : Elle était un objet de foi pour mes sens ; en vain je m'approchais d'elle, je ne la touchais que dans mes blessures.
Derrière chacun des triptyques de Tom Spianti, virevoltent les facéties d'une même femme-enfant. Tantôt princesse revenant du bal, tantôt rêveuse et endormie, jamais elle ne semble prendre conscience du regard qui la désire. Dévoilant son corps nubile de femme-fétiche – ici de petits pieds enveloppés de ballerines ; là des cuisses rondes et allusives - cette éternelle femme-candide semble jouer à Aphrodite tout en rêvant d'être Marie.
Mais par-delà les esquives multiples de sa pudeur se cache un même regard bienveillant – celui du photographe. Présent sans être là, il dompte dans ses pauses l'hystérie du corps-fantasme pour la changer en tendre badinage. Ce n'est pas la femme qui est montrée ici, mais la féminité même qui s'expose telle qu'elle se voit : naïve, soucieuse, espiègle ou adorable. Ainsi s'égrènent, d'une photo à l'autre, les innombrables métamorphoses de sa fantaisie.
Ô Venus toujours offerte, à jamais promise. Il fallait pourtant que la simplicité de ton état ne soit pas totale pour que l'Eve pécheresse qui sommeillait en toi se gorge d'une sève toute érotique ! L'innocence ne contient pas en elle-même la grâce de son état. Il faut, pour qu'elle en jouisse, la complicité d'une œil ami – d'un œil qui sache voir en elle, sans pour autant y succomber, la possibilité du fruit. Oh ! martyr du photographe !
Miroir d'un monde presque exclusivement composé de femmes, l'œuvre de Tom Spianti nous montre la face cachée des gynécées modernes. Tel un Sultan contemplant des photos de son Harem au moment où il n'y est pas, nous pénétrons avec lui sur une terre secrète et fascinante ; dans un Yémen utopique où la reine de Sabah nous invite à la rejoindre aux confins de son orient adamique – là où innocence et séduction se mêlent et se fécondent.